Prof. Dr Jacob Corn, Institute for Molecular Health Sciences, EPF Zurich

Serons-nous bientôt capables de soigner des maladies génétiques, telles que l’anémie falciforme, une maladie héréditaire des globules rouges? Expert du procédé de correction de séquence génomique, Jacob Corn recherche des moyens d’appliquer dans le domaine médical les connaissances acquises grâce à l’analyse des procédés moléculaires de la réparation de l’ADN. Avec succès. Ses études maintes fois citées apportent une base importante pour les futures thérapies géniques.

Actuellement, les cellules de notre peau sont très fortement exposées au rayonnement ultraviolet, ce qui peut entraîner des modifications de notre matériel génétique. Modifications qui, si elles s’accumulent, peuvent par exemple causer un cancer de la peau. Mais les rayons UV ne sont pas la seule cause d’erreurs dans la séquence de nos composants ADN; d’autres facteurs environnementaux ou processus défaillants de division cellulaire génèrent aussi des erreurs dans notre génome. Dans de rares cas, une modification, appelée «mutation» dans le jargon, suffit à déclencher une maladie. C’est le cas de l’anémie falciforme. En général, le corps parvient à réparer lui-même les modifications indésirables de l’ADN. Mais pas toujours. Jacob Corn et son équipe analysent en détail le fonctionnement des mécanismes de réparation de notre corps. Cette compréhension sert de base à l’utilisation d’outils modernes de correction de séquence génomique, qui pourront permettre de soigner des maladies génétiques.

Des modifications ADN indésirables peuvent être contrôlées très précisément à l’aide d’outils génétiques modernes, tels que CRISPR/Cas9. Les gènes-ciseaux produisent des cassures simples ou double brin à l’endroit souhaité et activent ainsi les mécanismes propres aux cellules, qui réparent alors le dommage causé à l’ADN. Ce processus permet aux chercheurs d’activer ou de désactiver, de réparer ou de remplacer des gènes de manière ciblée. Mais selon de récents rapports, les gènes ciseaux peuvent aussi déclencher des coupes indésirables, appelées effets «hors-cible». Jusqu’à présent, il n’avait pas été possible de les détecter dans un organisme vivant. Jacob Corn et son équipe ont développé une méthode, intitulée DISCOVER-Seq, pour détecter des effets hors-cible générés avec Cas dans des lignées cellulaires, des cellules souches et sur des souris. Cette possibilité constitue une base importante pour l’application de cette méthode dans la thérapie génique humaine. L’étude a été publiée en avril dans le magazine spécialisé Science.

L’anémie falciforme est une maladie génétique héréditaire récessive qui est déclenchée par une mutation du gène de la bêta-globine. Du fait de cette mutation, les globules rouges prennent la forme d’une faucille et le corps ne peut plus les approvisionner de manière optimale en oxygène. La maladie cause des occlusions vasculaires, des douleurs intenses, des lésions organiques progressives et entraîne une mort prématurée. Jacob Corn, en collaboration avec David Martin et Dana Carroll, a trouvé un moyen de corriger la mutation dans les cellules humaines de patients atteints d’anémie falciforme. Pour ce faire, les chercheurs utilisent un complexe de protéines provenant de Cas9, une courte séquence ARN et une courte séquence ADN à simple brin. Dans les cellules utilisées comme chez les souris, les globules rouges sont durablement améliorés à un niveau cliniquement pertinent. Des études cliniques doivent encore confirmer la sécurité et l’efficacité de cette méthode sur les hommes.

Jacob Corn est né en 1979 à Bremerton, Washington. Il a étudié la biochimie à l’université de Californie, Berkeley, où il a concentré son attention sur la réplication de l’ADN. Il a ensuite rejoint l’université de Washington comme postdoctorant et conçu des inhibiteurs de protéines sur ordinateur. Après un passage dans le secteur privé autour de la technologie génique, il a fondé et dirige l’Innovative Genomics Institute (IGI) à l’université de Californie, Berkeley. Depuis octobre 2018, Jacob Corn est professeur de biologie génomique à l’Institute for Molecular Health Sciences de l’EPF Zurich.