Prof. Dr. Paola Picotti, Institut de biologie systémique moléculaire, ETH Zurich

De plus en plus d’outils de diagnostic permettent de dépister les maladies neurodégénératives de manière précoce. La chercheuse Paola Picotti a développé une nouvelle technologie très prometteuse dans le domaine de la protéomique ciblée qui facilite l’identification rapide et la quantification des protéines spécifiques dans un organisme complexe et la compréhension de ces maladies. Paola Picotti est une scientifique renommée dans le monde entier dans le domaine de la biologie quantitative. En octobre 2017, elle a obtenu le titre de professeure associée en biologie systémique moléculaire de l’ETH à Zurich. Son travail a déjà été récompensé par le Prix Latsis de l’ETH Zurich et par une ERC Starting Grant.

Une protéine est une macromolécule biologique qui est constituée d’une longue chaîne d’acides aminés. Les protéines se trouvent dans toutes les cellules et ne se contentent pas de les structurer, mais ont également des fonctions essentielles en tant que «machines moléculaires». La cellule régule de manières très variées la fonction de la protéine. Des signaux extérieurs ou des stimuli internes peuvent notamment modifier la structure de cette dernière. Elle peut ainsi prendre une autre forme et assurer une fonction particulière. Des maladies peuvent se manifester si la structure de la protéine n’est pas correctement modifiée. Certaines protéines ont donc tendance à contaminer leurs «congénères». Celles-ci s’agglomèrent, constituant alors des fibrilles amyloïdes entraînant des altérations pathologiques au niveau des cellules et des tissus. Chez l’être humain, les protéines formant l’amyloïde sont susceptibles d’être à l’origine de graves maladies neurodégénératives telles que la maladie d’Alzheimer, la maladie de Parkinson ou la mucoviscidose.

Nous ne savons encore que très peu de choses sur la modification de la structure des protéines puisque la méthode d’analyse n’a été découverte que récemment. «Les protéines sont des molécules fascinantes. Elles contrôlent les fonctions élémentaires des cellules grâce à une multitude de structures et d’interactions complexes. Le développement des méthodes d’analyse des protéines est très délicat, mais je trouve cela passionnant», déclare Paola Picotti. Son objectif est de mieux comprendre les processus complexes mettant en jeu les protéines afin de lutter contre certaines maladies telles que la maladie d’Alzheimer ou la maladie de Parkinson. Ainsi, une des spécialités du groupe de recherche de Paola Picotti est le développement de technologies quantitatives dont le but est d’analyser les protéines et leur structure. Paola Picotti et son équipe étudient le protéome à cet effet. On appelle protéome l’ensemble des protéines qui se trouvent dans un organisme, un tissu, une cellule, une partie de cellule dans des conditions données et à un moment précis. Etant donné que l’analyse des protéines modifiées était jusqu’alors presque impossible, Paola Picotti a développé un nouveau procédé (LiP-MS) qui précède la quantification et qui consiste à découper les protéines. Découper des protéines intactes et modifiées engendre la formation d’autres peptides (petites chaînes d’acides aminés), ce qui permet aux chercheurs d’extraire les protéines dont la structure est modifiée et de les étudier. Grâce à la méthode de Selected Reaction Monitoring (SRM) que Paola Picotti a grandement contribué à développer lors de son travail post-doctoral à l’ETH Zurich, ces protéines modifiées peuvent par exemple être recherchées dans des échantillons de sang humain.

 «Actuellement, l’objectif premier de mes recherches est d’avoir recours à de nouvelles méthodes visant à améliorer nos connaissances en ce qui concerne les protéines défectueuses et les biomarqueurs des maladies neurodégénératives telles que la maladie de Parkinson», explique Paola Picotti. Par conséquent, les chercheurs se sont basés sur leur nouvelle méthode pour développer un test leur permettant d’analyser spécifiquement la structure «normale» et «anormale» des protéines alpha-synucléines dans des prélèvements complexes de sang ou de liquide céphalo-rachidien non purifiés. L’alpha-synucléine est notamment responsable de la maladie de Parkinson. Jusqu’à présent, cette protéine n’était pas considérée comme étant un biomarqueur puisque sa concentration ne changeait pas lors du développement de la maladie de Parkinson. «Toutefois, il est possible que le rapport entre la structure de l’alpha-synucléine modifiée et la structure naturelle change au cours de l’évolution de la maladie et au fil du temps», présume la professeure de l’ETH.

Par ailleurs, l’équipe de Paola Picotti a eu recours à la LiP-MS associée à la SRM en 2017 afin d’analyser la stabilité des protéines chez diverses espèces en se basant sur la modification de leur structure à l’échelle du protéome. Ces études ont contribué à définir les déterminants de la sensibilité thermique des protéomes de différents organismes, ce qui a permis de démontrer que certaines bactéries analysées pouvaient résister aux températures élevées, une fois la séquence d’ADN de protéines spécifiques modifiée. Cette découverte pourrait être bénéfique à l’industrie biotechnologique, par exemple en désensibilisant des bactéries qui forment certaines substances chimiques telles que l’éthanol.

Paola Picotti est née en 1977 à Udine (Italie). Elle a étudié la chimie et la technologie à l’université de Padoue et a obtenu son doctorat en 2006 au CRIBI, centre biotechnologique dans le domaine des mécanismes moléculaires dans le pliage erroné des protéines. Après un court séjour de recherche au MATI, centre d’excellence de l’université d’Udine en 2007, elle a effectué des recherches en tant que post-doctorante Marie Curie dans le groupe de travail du professeur Ruedi Aebersold à l’institut de biologie systémique moléculaire de l’ETH Zurich. Elle y a joué un rôle prépondérant dans le développement des bases expérimentales et mathématiques de la technologie protéomique ciblée. En 2011, elle a été nommée professeure assistante (FNS, professeure du Fonds national suisse) à l’institut de biochimie du département biologie de l’ETH Zurich où elle a fondé un groupe de recherche indépendant. Elle est titulaire du titre de professeure associée en biologie systémique moléculaire de l’ETH Zurich depuis octobre 2017.